Le 26 juin, le Président de l’Assemblée nationale a prononcé une allocution afin de présenter un bilan de l’activité de l’Assemblée nationale durant la session écoulée et tracer les perspectives des travaux à venir.
Les principaux éléments:
1] Le discours de fin de session est un exercice démocratique et sain :
Le discours de fin de session est une tradition de notre Assemblée, introduite au début de la Vème République et respectée par tous les Présidents de l’Assemblée nationale jusqu’en 1981 puis, de manière épisodique, de 1993 à 2003
Cet exercice permet de faire le bilan de l’année écoulée, et de rendre des comptes aux citoyens.
2] C’est l’occasion de valoriser le travail accompli par les députés…
Cette Assemblée profondément renouvelée a subi un procès en amateurisme au début de la législature. Un an plus tard, on ne peut que constater l’intensité et la qualité du travail accompli.
- Plus de 1300 heures en séance et plus de 1 500 heures en commission
- 92 textes ont été discutés, dont 67 projets de loi et 25 propositions de loi.
- 34 de ces textes ont été adoptés définitivement.
- Plus de 19 000 amendements ont été discutés dans l’hémicycle, dont plus de 2 800 ont été adoptés.
3]… de tous les groupes et de toutes les sensibilités politiques :
Ce travail est l’œuvre de tous les députés, de tous les groupes et de toutes les sensibilités :
- plus d’un amendement adopté sur six provenait d’un groupe d’opposition.
- sur 7 PPL définitivement adoptées, 4 étaient portées par l’opposition.
4] Avec la réforme constitutionnelle à venir, nous devons réunir les conditions pour construire un Parlement plus fort et plus efficace, celles-ci reposant sur 3 piliers :
- Une meilleure prévisibilité des travaux avec un ordre du jour législatif prévisionnel,
- La révision des procédures parlementaires,
- Le renforcement de notre rôle de contrôle et de l’évaluation des politiques publiques
Vous trouverez ci-dessous l’intégralité du discours :
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les ministres, monsieur le ministre des Relations avec le Parlement,
Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,
Le discours de fin de session est une tradition de la Ve République, et j’ajouterai une saine tradition.
D’abord parce que dresser des bilans et rendre des comptes, cela fait partie intégrante de notre mandat.
Ensuite parce que cela permet de tirer les leçons de cette première année de législature au moment si particulier où nous nous apprêtons à engager une réforme de la Constitution.
Ce bilan, je le fais d’abord et avant tout pour mettre en valeur le travail des députés, si souvent mis en cause, que ce soit par la résurgence d’un vieil antiparlementarisme ou par des classements aussi réducteurs que simplistes. Au mois de juin dernier, près de 430 nouveaux députés, et surtout nouvelles députées, ont été élus pour la première fois. Le renouvellement a été voulu par la majorité et validé par les électeurs. Les électeurs l’ont aussi voulu pour d’autres sensibilités politiques et ce renouvellement, on le retrouve de la gauche à la droite de cet hémicycle.
Ce renouvellement est aussi le résultat concret de l’entrée en vigueur de la loi votée en 2013 mettant fin au cumul des mandats. Notre Assemblée est la première Assemblée du non-cumul. C’est un changement profond dont nous n’avons pas encore tiré toutes les conséquences.
De la même façon, nous sommes les premiers à avoir adopté une réforme globale de notre statut : ainsi pouvons-nous retisser un lien de confiance avec nos concitoyens car les premiers changements, nous nous les sommes appliqués à nous-mêmes.
Avec sept groupes parlementaires, dont cinq se sont déclarés d’opposition, la composition de notre hémicycle est également inédite. L’Assemblée nationale joue donc pleinement son rôle : elle représente la diversité des opinions politiques des Français.
Cela amène aussi à retrouver ici, et c’est bien normal, différentes conceptions du mandat de député.
Certains remettent au goût du jour la fonction tribunitienne de l’Assemblée, modernisée par l’utilisation de Facebook, Twitter ou YouTube.
D’autres se réfèrent strictement à la tradition de la Ve République.
D’autres enfin cherchent à innover, notamment en cultivant de nouveaux modes d’interaction avec les citoyens.
Quelles que soient nos différences d’approche, sachez que je les respecte toutes. Et mon rôle, ma responsabilité, est de garantir ici, à chacune et à chacun, à la fois la plus grande liberté d’expression et la capacité de chacune et de chacun à s’exprimer sereinement.
En défendant ces principes ensemble, mes chers collègues, c’est la démocratie parlementaire que nous défendons.
En une année, nous avons siégé pendant plus de 1 329 heures en séance.
Ce sont au total 92 textes qui ont été examinés, dont 67 projets et 25 propositions de loi, sans compter les nombreuses conventions internationales que nous avons ratifiées.
Ce sont plus de 19 000 amendements qui ont été discutés dans l’hémicycle, dont plus de 2 800 ont été adoptés. Il convient d’ailleurs de signaler que plus d’un amendement adopté sur six provenait d’un groupe d’opposition. Sur 7 propositions de loi définitivement adoptées, 4 avaient été défendues par des groupes d’opposition.
C’est là un bilan dont nous pouvons être collectivement fiers.
Rappelez-vous, il y a quelques mois, le procès en amateurisme contre les nouveaux députés. Ne nous y trompons pas, ce procès c’était le procès du renouvellement.
Aujourd’hui, notre Assemblée, composée de ces députés que certains disaient inexpérimentés, a abattu un travail considérable.
Mais ce travail ne saurait se réduire, loin s’en faut, aux données chiffrées que je viens de rappeler. Gardons-nous d’évaluer la qualité de l’activité parlementaire d’un point de vue purement quantitatif !
Le travail des députés ne se résume pas à leur présence dans l’hémicycle, loin de là. En 1993 déjà, un de mes prédécesseurs, Philippe Séguin, disait dans son discours de fin de session : « Les députés qui ne sont pas en séance ne sont généralement ni au cinéma ni en villégiature. »
Que ce soit dans les médias ou dans des échanges directs avec des citoyens sur le terrain, je le dis et le redis toujours : les députés travaillent dans l’hémicycle mais ce n’est qu’une petite partie de leur activité.
Les députés travaillent en commissions, dans les commissions d’enquête, les missions d’information, ou encore les groupes d’études.
Les députés travaillent enfin sur le terrain, notamment dans leur circonscription.
Je vous invite, mes chers collègues, à assumer cela collectivement et individuellement. N’ayez pas peur.
Dites-le, expliquez-le, répétez-le du premier au dernier jour de votre mandat.
Les Français sont clairvoyants : quand on leur explique, ils le comprennent très bien et ne fondent pas leur jugement sur la base de quelques classements aux critères contestables.
Le travail, disais-je, ne se réduit pas aux statistiques. Les bilans chiffrés soulignent surtout à quel point nous avons touché les limites de nos modes de fonctionnement.
Ni l’inflation législative ni celle des amendements ne font de bonnes lois. Déjà en 1991, dans son rapport annuel, le Conseil d’État disait : « Lorsque le droit bavarde, le citoyen ne l’écoute plus. » Jolie formule, qui vient rappeler que les débats les plus longs ne sont pas les meilleurs, les lois les plus touffues non plus.
Mes chers collègues, la révision constitutionnelle à venir est l’occasion – et je vous invite à la saisir toutes et tous –, de rendre le Parlement plus fort en le rénovant. Et c’est bien parce qu’il sera rénové qu’il sera renforcé.
Cette rénovation repose selon moi sur trois piliers.
Le premier pilier est une meilleure prévisibilité de nos travaux, qui suppose un ordre du jour législatif prévisionnel donné par le Gouvernement au moins une fois au début de chaque session ;
Le deuxième pilier est une réforme des modalités d’examen des projets et des propositions de loi, qui nous permette de concentrer nos débats sur les vrais enjeux, ceux qui engagent l’avenir de nos concitoyens et ceux pour lesquels nous avons, les uns et les autres, été élus ;
Le troisième pilier, enfin, est le renforcement de notre mission d’évaluation des politiques publiques et de contrôle du Gouvernement.
Clemenceau disait il y a près d’un siècle : « … pour faire vivre une démocratie, il faut intervenir directement dans les affaires publiques, demander au Gouvernement de rendre compte de ses actes. »
Pour exercer pleinement cette mission, il nous faut nos propres outils, au premier rang desquels une agence parlementaire de contrôle et d’évaluation, qui fournira son expertise à l’ensemble de la représentation nationale.
La France a tout à gagner d’un Parlement puissant, avec une Assemblée nationale légitime, indépendante, capable de bien légiférer et de bien évaluer l’efficacité des lois et des budgets.
Durant cette première session qui s’achève, nous avons beaucoup travaillé, grâce à l’engagement personnel de chacune et chacun d’entre vous.
Grâce aussi, ne l’oublions jamais, au travail à nos côtés de nos collaborateurs parlementaires, mais aussi de l’ensemble des personnels de l’Assemblée nationale, mis à l’épreuve ces derniers mois. Permettez-moi de rendre hommage, en votre nom à toutes et à tous, à leur sérieux, à leur dévouement et à leur disponibilité.
La session ordinaire se termine, oui, mais les transformations continuent. La session extraordinaire va s’ouvrir et avec elle la perspective d’une transformation importante de nos institutions. Nous avons l’occasion de redonner de la légitimité et du poids au Parlement. Un Parlement mieux organisé, plus efficace et plus utile. C’est ce que j’appelle la bataille du Parlement. Menons-la, et menons-la ensemble.