Je suis députée du Tarn, élue sur la circonscription de Carmaux, celle qui fut celle de Jean Jaurès.
En ce jour anniversaire de son assassinat, j’ai souhaité lui rendre hommage au pied de la statue érigée à sa mémoire à Carmaux comme je l’avais fait l’an passé.
Dans ma brève intervention, j’ai évoqué l’homme d’engagement qu’était Jaurès. Mais je tenais surtout à relire l’un de ses plus beaux textes, celui sur le courage dans son discours à la jeunesse. dont les mots sonnent aujourd’hui encore d’une extraordinaire actualité. ..
Pendant cet hommage à la mémoire de Jaurès, des manifestants ont perturbé la cérémonie et tenté d’empêcher mon expression.
Ils n’y sont pas parvenus et j’ai prononcé mon discours malgré les intimidations. Dans ce contexte, les mots de Jaurès sur le courage avaient une extraordinaire actualité…
Jaurès appartient à l’histoire commune de notre République. Et aucun parti, aucun mouvement et aucun groupe ne saurait se l’approprier !
En rendant cet hommage, j’ai respecté sa mémoire, ceux qui étaient là ce matin ne l’ont pas respectée, car s’arroger l’histoire pour refuser la démocratie, c’est peut être la plus grande preuve d’irrespect à l’égard de Jean Jaurès!
Retrouvez mon discours ci-dessous :
Hommage à Jean Jaurès
Mardi 31 juillet 2018
Quelques semaines après mon élection il y a un an, j’étais ici avec vous pour commémorer la figure politique qu’était Jean Jaurès.
Je tenais à renouveler cet hommage et je souhaite le faire chaque année tout au long de mon mandat. Parce que
Ici à Carmaux, dans ce département du Tarn, cette circonscription était la terre d’élection de Jaurès, sa terre d’élection dans les deux sens du terme : celle qu’il a choisie pour s’engager et celle qui l’a portée à l’Assemblée Nationale.
C’est ici, au contact des mineurs, des verriers et des paysans, que l’intellectuel a gagné ses galons de l’engagement politique. C’est à partir des réalités du Carmausin et des combats qu’il a menés ici que Jaurès a façonné sa pensée et gravé une trace extraordinaire dans l’histoire de notre République.
Cette histoire, elle n’appartient à aucun parti politique, aucun mouvement, aucun groupe.
Jaurès portait en lui une double tradition politique : une tradition social-démocrate et une tradition communiste. Assurément, il était homme de gauche.
Mais, avec ses combats pour défendre la République, pour rendre justice à Dreyfus, ou encore pour tenter d’empêcher la guerre, Jean Jaurès appartient à la France et à son histoire.
Le 31 juillet 1914, on a voulu faire taire la voix de Jaurès. Mais plus de 100 ans après, Jean Jaurès reste une source d’inspiration pour celles et ceux qui veulent s’engager dans la vie publique.
Je me garderai bien d’invoquer quelque héritage que ce soit par rapport à Jaurès. Permettez-moi seulement d’évoquer une phrase tirée de son « Histoire socialiste de la Révolution Française » : « le pouvoir se mesure à l’audace » écrivait Jaurès. J’ai le sentiment que, depuis un peu plus d’un an maintenant, notre majorité « En Marche » autour du Président de la République ne manque pas d’audace pour tenter d’apporter des réponses aux problèmes de notre société aujourd’hui…
J’ai en tête que, en choisissant de tenir à Albi son dernier rassemblement de campagne 3 jours avant son élection, Emmanuel Macron voulait rappeler le discours à la jeunesse fait par Jaurès aux lycéens d’Albi en 1903. Un discours dont certains extraits résonnent toujours d’une extraordinaire actualité. Et que, cette année encore, je tiens à partager avec vous en ce jour :
« Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre ; car le courage pour vous tous, courage de toutes les heures, c’est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie.
Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces ; c’est de garder dans les lassitudes inévitables l’habitude du travail et de l’action.
Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c’est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu’il soit : c’est de ne pas se rebuter du détail minutieux ou monotone ; c’est de devenir, autant que l’on peut, un technicien accompli, c’est d’accepter et de comprendre cette loi de la spécialisation du travail qui est la condition de l’action utile, et cependant de ménager à son regard, à son esprit, quelques échappées vers le vaste monde et des perspectives plus étendues.
Le courage, c’est d’être tout ensemble et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe. Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant à la vie générale.
Le courage, c’est de surveiller exactement sa machine à filer ou à tisser, pour qu’aucun fil ne se casse, et de préparer cependant un ordre social plus vaste et plus fraternel où la machine sera la servante commune des travailleurs libérés.
Le courage, c’est d’accepter les conditions nouvelles que la vie fait à la science et à l’art, d’accueillir, d’explorer la complexité presque infinie des faits et des détails et cependant d’éclairer cette réalité énorme et confuse par des idées générales, de l’organiser et de la soulever par la beauté sacrée des formes et des rythmes.
Le courage c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir mais de n’en pas être accablé et de continuer son chemin.
Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense.
Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »
Merci pour votre attention.